(Cet article a été traduit de l’anglais.)

Les Canadiens vivent plus longtemps. Malheureusement, nos hôpitaux ne sont pas bien outillés pour les soigner.

Plus de 40 % des services hospitaliers au Canada vont aux personnes de plus de 65 ans, et la demande ne cesse d’augmenter. Les Canadiens âgés souhaitent vivre à domicile le plus longtemps possible. S’ils doivent être hospitalisés, ils s’attendent à rentrer chez eux rapidement et en toute sécurité. Pourtant, beaucoup passent des semaines voire des mois dans un lit d’hôpital, et de ce fait souffrent de nouveaux problèmes de santé et d’autres incapacités, risquant ainsi de se retrouver parmi les plus de 300 000 Canadiens vivant dans un établissement de soins.

Si les hôpitaux sont conçus pour que les gens prennent du mieux, pourquoi n’est-ce pas ce qui se produit ?

Notre système de santé a été conçu dans les années 1950. À l’époque, il traitait des urgences imprévues, comme la pneumonie ou des blessures. Les traitements contre certains problèmes de santé comme les crises cardiaques étaient peu efficaces, de sorte que la plupart des patients ne survivaient pas longtemps.

Aujourd’hui, grâce aux progrès de la science médicale et de la santé publique, davantage de personnes survivent à des maladies qui ont causé la mort de leurs grands-parents. On appelle « maladies chroniques » les maladies que l’on peut traiter, mais non guérir. Le facteur de risque le plus important pour les maladies chroniques est le vieillissement. En vieillissant, les Canadiens contractent souvent plus d’une maladie chronique.

De nombreux Canadiens âgés ont également d’autres problèmes liés à l’âge, tels que la démence, ce qui rend difficile pour eux d’accomplir de simples tâches quotidiennes. Beaucoup perdent leur tonus musculaire, deviennent moins actifs et donc plus handicapés.

Au fil du temps, ces problèmes deviennent un fardeau, et les personnes touchées sont de plus en plus vulnérables. De simples problèmes de santé, tels que la grippe, qui n’ont en général pas de conséquences graves chez les jeunes, vont rendre inapte ou tuer une personne âgée vulnérable. Cette vulnérabilité s’appelle fragilité.

Le problème, c’est que les hôpitaux sont plus aptes à prendre en charge des patients en bonne santé qui souffrent de maladies aiguës comme la pneumonie ou qui doivent subir une intervention chirurgicale d’urgence. La plupart ne sont pas outillés pour aider les personnes âgées fragilisées à surmonter des maladies aigües ou des poussées de maladies chroniques. La fragilité explique pourquoi tant de personnes âgées réagissent mal dans des environnements hospitaliers peu adaptés, deviennent souvent confuses et handicapées, dans bien des cas de manière irréversible.

Alors comment remédier à cette situation ?

Les hôpitaux doivent savoir reconnaître les patients vulnérables avec des besoins complexes, afin de les traiter rapidement et de réduire au minimum les complications. À cette fin, une information juste et précise doit être communiquée de façon fiable, efficace et rapide.

Idéalement, les renseignements sur les besoins complexes et la fragilité devraient être divulgués rapidement, dans tous les établissements et à tous les échelons du système de santé, grâce à une approche commune. En procédant ainsi, on recueillerait et traiterait de l’information importante avant même de recourir à l’hospitalisation. La plupart des éléments qui permettraient cette approche sont déjà en place au Canada, mais pas dans les hôpitaux. Les systèmes de documentation actuels des centres hospitaliers sont surchargés et inefficaces. On recueille certains renseignements de manière répétée, mais on néglige d’autres données importantes.

Au Québec, on n’emploie pas les mêmes outils de dépistage que dans le reste du Canada, et on ne déploie pas ces outils de façon systématique dans le système de santé. Donc, le système de mesure employé pour répondre à des enjeux pourtant très comparables fait en sorte qu’il est difficile de comparer nos hôpitaux et nos soins de longue durées à ceux du reste du Canada et de pays européens comme la France et la Belgique.

Il serait important de savoir vite repérer les personnes à risque. Cela garantirait que les patients avec des problèmes de mobilité ne restent pas alités plus longtemps que nécessaire. On pourrait régulièrement orienter, dans l’espace et le temps, les patients atteints de démence, et leur assurer une routine quotidienne stable. On pourrait instaurer de rigoureux programmes de réduction de médicaments prescrits, afin d’éliminer ceux qui sont nocifs ou inutiles. Du même coup, le système de santé gagnerait en efficacité.

Dans ce but précis, interRAI, un groupe international de chercheurs à but non lucratif, a soigneusement conçu et étudié des instruments d’évaluation. Ces outils sont déjà employés dans les établissements de soins à domicile, de soins longue durée et de santé mentale au Canada, mais malheureusement pas encore dans les hôpitaux et les établissements de soins primaires, où la mesure de la fragilité est généralement prise après coup, sinon pas du tout.

Nous avons récemment étudié la suite hospitalière interRAI dans le contexte de 10 hôpitaux canadiens regroupant plus de 5 000 personnes âgées. Les instruments étaient faciles à utiliser et permettaient de prédire avec fiabilité, dans les 24 heures suivant l’hospitalisation, quels patients âgés connaîtraient des complications à l’hôpital et lesquels risquaient un long séjour hospitalier ou une institutionnalisation.

Des efforts pour rendre nos hôpitaux mieux adaptés aux personnes âgées sont déjà entrepris, mais l’absence d’évaluation systématique rend toute la population vulnérable à mesure qu’elle prend de l’âge. Lorsque les patients fragiles ont besoin de soins hospitaliers, il est souvent trop tard pour répondre à leurs besoins complexes.

La fiabilité des renseignements est une condition fondamentale pour que notre système de santé, et tout particulièrement nos hôpitaux, soit adapté aux besoins des personnes âgées. Un meilleur ciblage des programmes permettra de mieux combler les besoins, tout au long de la vie.

Photo: Shutterstock / Pressmaster


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Dr. George Heckman
George Heckman est titulaire de la Chaire de recherche Schlegel en médecine gériatrique, professeur agrégé à l’Université de Waterloo et professeur adjoint clinique en médecine à l’Université McMaster. Il est membre d’interRAI, chercheur au Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSFP) et collaborateur à EvidenceNetwork.ca.
Dr. Paul Hébert
Paul Hébert est chercheur principal au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) et professeur titulaire au Département de médecine de l’Université de Montréal. Il est membre d’interRAI, chercheur au Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSFP) et collaborateur à EvidenceNetwork.ca.

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