Les Canadiens jugent acceptable la politique de déficit adoptée pour faire face à la conjoncture économique, ils souhaitent que les mesures de stimulation économique soient maintenues et approuvent le gel des salaires du secteur public et des dépenses des ministères annoncé dans le discours du Trône et le budget 2010.

Telles sont les principales conclusions du dernier sondage téléphonique Nanos-Options politiques réalisé auprès de 1 000 Canadiens du 6 au 12 mars 2010, sitôt après que le ministre des Finances Jim Flaherty eut déposé son budget le 4 mars.

Un budget dont les éléments clés répondent aux vœux d’une majorité de Canadiens. D’abord parce qu’ils recherchent avant tout la stabilité, et qu’il s’agit d’un budget de stabilité. Ensuite parce qu’ils acceptent l’existence d’un déficit en attendant que le gouvernement renoue avec l’équilibre budgétaire.

Pour autant, ce budget ne devrait pas attirer au gouvernement conservateur des suffrages supplémentaires. Car selon le sondage, la perception que les Canadiens pouvaient avoir du premier ministre et de son gouvernement ne risque guère de changer après le dépôt du budget. Quand nous leur avons demandé si le gouvernement emprunte la bonne ou la mauvaise voie avec ce budget, ils se sont ainsi répartis en deux camps correspondant à peu de choses près à leurs intentions de vote : 40,4 p. 100 ont jugé que le budget mène le pays dans la bonne direction, contre 38,3 p. 100 qui ont affirmé le contraire.

À la question plus générale sur les politiques économiques, 7,6 p. 100 des répondants ont estimé que le gouvernement les a très bien menées, et 27,2 p. 100 qu’il les a bien menées, pour un total d’opinions favorables de 34,8 p. 100. En revanche, 30 p. 100 ont estimé que les conservateurs ont mal mené (20,9 p. 100) ou très mal mené (9,1 p. 100) ces politiques. Ils ont été 30,2 p. 100 à juger que le gouvernement a « passablement bien mené » son action, et 4,9 p. 100 à se dire incertains.

Les éléments clés du budget ont tout de même reçu l’appui des Canadiens, qui soutiennent fortement la réduction du déficit à moyen terme, le rétablissement de l’équilibre budgétaire sans augmenter le fardeau des contribuables et la poursuite des mesures de stimulation.

Certaines des particularités du budget, comme le gel des salaires des parlementaires et le frein appliqué aux dépenses des ministères, reçoivent même un taux très élevé d’opinions favorables.

Si les partis de l’opposition étaient tentés de voter contre ce budget, il leur serait donc difficile d’en faire un argument électoral de poids. Raison de plus pour les libéraux de ne pas forcer la tenue d’une élection.

En effet, pas moins de 54,9 p. 100 des Canadiens jugent acceptable (30,7 p. 100) ou plutôt acceptable (24,2 p. 100) d’afficher un déficit dans la conjoncture économique actuelle, contre seulement 26,7 p. 100 qui jugent cette politique inacceptable (17,4 p. 100) ou plutôt inacceptable (9,3 p. 100). C’est donc par une marge de 2 contre 1 que les Canadiens acceptent la politique de relance par le déficit budgétaire du gouvernement.

De surcroît, ils ne souhaitent pas que le gouvernement mette fin aux mesures de stimulation. Plus de la moitié (57,5 p. 100) estiment que le gouvernement devrait les maintenir, contre 30,8 p. 100 qui voudraient y mettre fin, 11,7 p. 100 se disant incertains. De nouveau, c’est par une marge de 2 contre 1 que les Canadiens soutiennent le maintien des plans de relance économique.

Et quand on s’arrête encore aux particularités du budget, ils refusent clairement de financer à même leur portefeuille le retour à l’équilibre budgétaire. Autrement dit, ils sont d’accord pour rééquilibrer le budget à condition de ne pas en faire les frais.

Autre mesure très populaire : le gel des salaires dans le secteur public, même s’il reste en grande partie symbolique chez les députés et les sénateurs. C’est en fait l’élément le plus apprécié du budget, 36 p. 100 des répondants estimant qu’il s’agit de la mesure de retour à l’équilibre budgétaire la plus efficace, alors que 20,5 p. 100 privilégient la réduction des dépenses de programmes et ministérielles, 13,5 p. 100 l’augmentation des taxes d’affaires et 8,1 p. 100 l’utilisation des recettes fiscales générées par la reprise économique. Seulement 7,9 p. 100 croient que l’augmentation de la TPS serait la mesure la plus efficace pour équilibrer le budget, et moins d’un Canadien sur 20 (3,4 p. 100) augmenterait l’impôt des particuliers.

Du point de vue de l’opinion publique, l’approche budgétaire qui consiste à « tenir le coup » correspond donc à l’avis d’une majorité de Canadiens.

Nos compatriotes sont aussi parfaitement conscients de sortir de la pire récession des 60 dernières années en bien meilleur état que leurs voisins du Sud. Pas moins de 78,2 p. 100 d’entre eux, soit près de 4 Canadiens sur 5, estiment que la situation du Canada est plus enviable que celle des États-Unis. Seuls 12,8 p. 100 croient qu’elle est la même, et à peine 4,7 p. 100 jugent qu’elle est pire.

En somme, le budget n’a pas permis au gouvernement d’engranger des gains politiques, mais on voit que certaines de ses mesures suscitent des attitudes globalement favorables.

En dernière analyse, on peut donc supposer que si le gouvernement actuel se maintient au pouvoir assez longtemps et que la croissance est au rendez-vous, les conservateurs de Stephen Harper seront crédités d’avoir solidement géré l’économie du pays.

Compte tenu d’un électorat particulièrement soucieux des questions matérielles, le facteur de compétence pourrait ainsi éclipser celui de popularité à mesure qu’approchera la prochaine élection fédérale.

 

Photo: Shutterstock

Nik Nanos
Chercheur et conseiller stratégique, Nik Nanos est régulièrement appelé à conseiller des dirigeants sur un large éventail de sujets, notamment les fusions d'entreprises, les campagnes de sensibilisation du public, la gestion de la réputation et les questions réglementaires. Il dirige l'équipe de Nanos, qui conduit des recherches au Canada et aux États-Unis, est fellow au Woodrow Wilson International Center for Scholars de Washington, D.C., et chercheur et professeur agrégé à  la State University of New York de Buffalo. Il est aussi analyste principal pour l'indice Bloomberg-Nanos de la confiance des consommateurs canadiens, dont les résultats sont transmis hebdomadairement aux clients de Bloomberg. Chaque semaine, il présente The Nanos Number à  l'émission Power & Politics de la CBC, qui suit l'évoution politique, économique et sociale. Il siège au comité de rédaction du Journal of Professional Communication de l'Université McMaster.

Vous pouvez reproduire cet article d’Options politiques en ligne ou dans un périodique imprimé, sous licence Creative Commons Attribution.

Creative Commons License