Le changement est loin d’être linéaire. Son rythme est souvent imprévisible, et son parcours, rarement en ligne droite. Il y a 20 ans, qui aurait pensé que Netflix allait révolutionner le marché de la télévision, que plus de la moitié d’entre nous réaliseraient l’ensemble de leurs opérations bancaires sans jamais faire appel à un banquier, ou que la Chine serait le principal investisseur mondial dans les technologies énergétiques propres ?

La transition du Canada vers une économie reposant sur les énergies moins polluantes n’est pas plus facile à prédire, étant donné tous les facteurs en jeu.

Dans ce contexte, nous nous devons d’investir dans des outils de mesure efficaces pour pouvoir faire le suivi de cette transition au moyen d’un flux régulier de données. Le progrès se construit sur des données. Nous avons besoin d’établir dans quelle mesure notre dépendance aux combustibles fossiles diminue, de déterminer lesquels de nos efforts donnent des résultats et quels sont ceux qu’il faut intensifier.

Plusieurs types de renseignements seront essentiels à l’atteinte de nos objectifs environnementaux et économiques.

Il nous faudra des données de référence sur les secteurs où on note des baisses d’émissions et ceux où ce n’est pas le cas, afin d’ajuster les politiques et les réglementations et d’optimiser leur efficacité et leur efficience. Nous aurons aussi besoin que des organismes comme l’Office national de l’énergie ou Statistique Canada nous fournissent de nouvelles modélisations des émissions de GES, plus élaborées, qui tiennent compte de la diffusion des innovations qui transforment le secteur de l’énergie.

Des renseignements intéressants peuvent également être tirés des rapports sur les marchés de capitaux, où les entreprises font état des risques et des occasions associés aux changements climatiques. Les gouvernements doivent faire valoir l’aspect critique de telles données, pour la réussite de la transition énergétique, auprès des organismes de réglementation des valeurs mobilières. Les recommandations du Groupe de travail sur la divulgation des informations financières liées au climat du Conseil de stabilité financière sont une voie à suivre. Le lancement d’un projet d’examen de l’information fournie sur les risques et les répercussions financières associés aux changements climatiques, qui sera réalisé par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, est aussi encourageant.

Les données soulignant le lien entre l’adoption de technologies propres et la croissance économique offrent d’autres perspectives prometteuses. Le secteur canadien des technologies propres est en croissance, mais il nécessite toujours une augmentation de la demande nationale et internationale pour ses produits. Les entreprises seront davantage incitées à investir dans les innovations si elles ont la preuve que ces technologies peuvent améliorer leurs résultats financiers.

Jusqu’à présent, les systèmes d’information rendant compte de l’action des entreprises pour réduire leurs émissions tout en renforçant leur structure ont semblé largement anecdotiques —, mais ces anecdotes se multiplient d’heure en heure. Des milliers d’entreprises, parmi les plus importantes au monde, se sont engagées à atteindre des cibles environnementales selon un échéancier établi et communiquent ouvertement les effets positifs, et non dommageables, de ces efforts sur leur compétitivité. Certains pays comme ceux de l’Union européenne imaginent de nouvelles techniques de modélisation pour traduire les changements observés en chiffres. Le Canada peut s’inspirer de cette démarche et adopter des outils similaires.

Le potentiel de ce type de collecte de données est énorme, en particulier parmi la génération de chefs d’entreprise et de décideurs qui sont à l’aise avec l’interprétation de tels renseignements et qui façonnent désormais l’avenir. Imaginez un système de mesure des émissions en temps réel reposant sur la technologie, qui offre à l’utilisateur d’un téléphone, d’une tablette ou d’un ordinateur de l’information instantanée à propos des tendances et des modèles d’émissions à l’échelle locale ou nationale.

La rétroaction constante sera en outre décisive pour nous améliorer au fil du temps et pour démontrer aux entreprises et aux particuliers que les politiques publiques ont été conçues afin de récompenser les efforts de manière appropriée et de maintenir l’équité. Le progrès n’aura pas lieu si les gens considèrent que le poids du changement n’est pas partagé.

Ici au Canada, les mécanismes de suivi développés par certaines provinces et l’élargissement du mandat du Commissaire à l’environnement et au développement durable sont un bon point de départ pour fournir cette rétroaction, mais il reste encore beaucoup à faire.

Il faudrait idéalement inclure un mécanisme de reddition de compte au Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, et créer un organe indépendant à l’image du Committee on Climate Change du Royaume-Uni. Celui-ci conseillerait le gouvernement quant à la définition de cibles de réduction du carbone et présenterait un rapport de progrès annuel devant le Parlement.

Pour de nombreux Canadiens, le fondement scientifique des changements climatiques ne fait plus l’objet de débat.

Ce que le public veut savoir, c’est comment répondre à ces changements, comment accélérer le mouvement, et à quel point la préservation de la planète par la réduction des émissions renforcera l’économie dans leur région et partout au Canada.

Il est temps d’innover dans notre façon de mesurer et de diffuser l’information qui permettra de donner une dimension nouvelle et plus productive à ce débat.

Photo : Quality Stock Arts/Shutterstock.com


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Catherine Abreu
Catherine Abreu est directrice générale du Réseau action climat Canada. Elle participe directement à la lutte contre les changements climatiques, pilotant des stratégies audacieuses et créatives qui visent à augmenter les investissements canadiens en efficacité énergétique et en énergie renouvelable, de même qu’à éliminer progressivement l’utilisation des combustibles fossiles.
Deb Abbey
Deb Abbey est chef de la direction de l’Association pour l’investissement responsable. Au début des années 1990, elle a été la première directrice de projet pour la Fondation David Suzuki. Depuis, elle fait figure de pionnière dans le domaine de l’investissement responsable au Canada.
Elizabeth Sheehan
Elizabeth Sheehy is professor emerita at the University of Ottawa, Faculty of Law.
Norm Tasevski
Norm Tasevski est cofondateur et directeur général de Purpose Capital. Depuis le début de sa carrière, il collabore avec des organisations à but lucratif, à but non lucratif et gouvernementales soucieuses de l’effet de leurs activités. Il enseigne aussi l’entrepreneuriat social et l’investissement d’impact à l’Université de Toronto.
Peter Chapman
Peter Chapman est directeur général de la Shareholder Association for Research and Education, qu’il a joint en 2000. Il possède plus de 25 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement responsable, notamment en matière d’engagement des entreprises, de formation, d’investissement dans la collectivité et de politique publique.

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