Il y a trois ans et demi, Justin Trudeau a décidé qu’il voulait assurer aux Canadiens « un Parlement qui fonctionne mieux, dans leur intérêt ». C’est ce qu’il a affirmé dans une lettre adressée au président du Sénat, le 29 janvier 2014, quand il a annoncé officiellement que les sénateurs ne faisaient désormais plus partie de son caucus national parlementaire libéral.

Passons rapidement au 25 janvier 2016. Un conseil consultatif tout nouveau fut créé à la seule fin de valider les demandes de Canadiens voulant servir comme sénateurs indépendants. Dans les semaines qui ont suivi, une poignée de sénateurs libéraux et conservateurs ont abandonné leur ancien caucus pour se joindre aux sénateurs qui siégeaient à titre d’indépendants depuis quelques années. Disant constituer un groupe de travail, ils ont officiellement établi le Groupe des sénateurs indépendants (GSI) en juin 2016, après que six sénateurs nouvellement nommés eurent rejoint leurs rangs. Aujourd’hui, le GSI comprend 35 sénateurs et sera bientôt le groupe parlementaire le plus nombreux au Sénat.

La question est de savoir si les Canadiens ont maintenant un Parlement qui fonctionne mieux, dans leur intérêt. Je dis que oui. Deux statistiques simples le prouvent.

Tout d’abord, nous amendons au Sénat presque quatre fois plus de projets de loi gouvernementaux qu’au cours des quatre dernières décennies. Dans la législature actuelle, 25 % de tous les projets de loi gouvernementaux qui ont reçu la sanction royale ont été amendés. Au cours des 10 législatures antérieures, seulement 7 % des projets de loi de ce genre ont été amendés. C’est là une augmentation sensible, et il est clair que la population canadienne y trouve mieux son compte.

Prenons, par exemple, le cas du projet de loi C‑6, qui a apporté d’importants changements à la Loi sur la citoyenneté. Les sénateurs ont constaté qu’il ne respectait pas certaines normes fondamentales de justice naturelle, des normes visant à protéger les citoyens dans leurs interactions avec l’État. Ils ont donc proposé un amendement visant à permettre aux personnes de faire valoir leur cause devant les tribunaux. La position du Sénat a par la suite été sanctionnée par les tribunaux, ce qui a très bien mis en lumière le rôle essentiel que le Sénat joue en tant qu’organisme d’examen. Tout à son honneur, la Chambre des communes a souscrit à son point de vue, et le gouvernement (qui contrôle la Chambre) a acquiescé, de sorte que la nouvelle loi contient maintenant des dispositions garantissant la justice naturelle.

Les interventions de ce genre sont d’essentiels contrepoids de notre démocratie parlementaire. Contrairement à ce que certains ont donné à entendre, le Sénat ne cherche pas à infirmer les décisions de la Chambre élue. Il ne vise qu’à les améliorer.

La seconde statistique éclaire tout autant la question. De nombreux experts (et même les représentants du gouvernement au Sénat) aiment prétendre que les sénateurs emploient des tactiques de retardement pour tenter de faire échouer les projets de loi du gouvernement. Ils seraient sans doute surpris d’apprendre que la législature actuelle révèle jusqu’ici un tout autre tableau.

En moyenne, dans la législature actuelle, les projets de loi gouvernementaux ayant reçu la sanction royale ont été étudiés au Sénat durant 40 % du temps d’examen, comparativement à 60 % à la Chambre des communes. Cela signifie que le Sénat étudie et adopte les projets de loi plus vite que les Communes. Certains projets qui ont suscité la controverse ou été problématiques ont fait l’objet d’un examen plus approfondi au Sénat, mais dans l’ensemble, les projets de loi sont étudiés par la Chambre haute à une cadence relativement accélérée.

Nous voici donc en 2017, 150année d’existence du Sénat du Canada, et les premiers signes portent à croire qu’il fonctionne effectivement mieux qu’avant. Après tout, le Sénat n’a été conçu ni pour approuver les projets de loi sans discussion ni pour être un « terrain de stationnement », et c’est tant mieux. Les Canadiens ne veulent pas d’un Parlement indifférent qui adopte les lois en suivant des démarches machinales interminables.

Certes, nous continuons de chercher des façons de mieux servir la population canadienne à l’avenir. Le sénateur Stephen Greene a préconisé récemment que nous intensifiions nos efforts pour étudier les projets de loi d’une façon encore plus rapide et transparente. Je souscris à son point de vue et en particulier à l’idée d’une « superréunion préparatoire » entre tous les groupes de sénateurs pour orchestrer nos activités de manière à aller toujours de l’avant.

Cependant, quoi que nous fassions, le Sénat doit s’efforcer d’être une Chambre indépendante et distincte de l’arène politique qu’est la Chambre des communes, et d’examiner calmement et à fond les projets de loi (comme sir John A. Macdonald l’a un jour imaginé). Ensemble, les deux Chambres forment un Parlement qui produit de meilleurs résultats pour la population canadienne.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick


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Elaine McCoy
Elaine McCoy est sénatrice indépendante de l'Alberta depuis 2005. Elle a été la première sénatrice au poste de facilitatrice pour le Groupe des sénateurs indépendants.

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