Le rapport du comité d’experts qui a examiné les processus d’évaluation environnementale, intitulé Bâtir un terrain d’entente : une nouvelle vision pour l’évaluation des impacts au Canada, a été reçu avec scepticisme et même de vives critiques. Son détracteur le plus véhément, Trevor McLeod de la Canada West Foundation, recommande carrément de tabletter le rapport. Nous ne sommes pas d’accord avec lui. À titre d’universitaires et de professionnels en évaluation environnementale, nous pensons plutôt que les recommandations du comité contribueront à faire du Canada un chef de file en matière de durabilité.

D’abord, selon le comité d’experts, les processus d’évaluation environnementale doivent « mener à des décisions fondées sur les cinq piliers de la durabilité (environnement, économie, société, culture et santé) ».

Trevor McLeod, tout en approuvant ces cinq piliers, soutient qu’il y aurait un chevauchement de rôles entre l’Office national de l’énergie (ONE) et une éventuelle commission d’évaluation des impacts. Il crée ainsi une confusion entre le rôle d’évaluation environnementale et celui de régulation. L’évaluation environnementale, telle que présentée dans le rapport, consiste à poser la question préliminaire fondamentale de savoir si, en tenant compte de l’ensemble des effets, le projet s’inscrit dans l’intérêt public. À l’étape subséquente, la régulation, l’ONE s’assure que les projets approuvés soient menés de manière sécuritaire et efficace. Il est absolument approprié que des institutions séparées se chargent de ces différentes fonctions.

Le comité d’experts recommande par la suite que le processus d’évaluation environnementale soit centrée sur la question de la durabilité du projet. McLeod y voit un effet paralysant et avance qu’avec de telles évaluations « nothing will get built ». Pourtant, le Canada a déjà fait l’expérience d’évaluations de durabilité (on peut citer le projet gazier Mackenzie et la commission d’examen conjoint évaluant le projet hydroélectrique du cours inférieur du Churchill). Le Canada possède l’expérience et l’expertise pour mettre en œuvre les principes du développement durable, et il est impératif qu’il commence à le faire de manière systématique.

McLeod craint aussi que la réforme proposée nuise au déroulement efficace des projets et qu’un processus d’évaluation fondé sur le consensus subisse des retards et crée des impasses.

Il est plus probable que l’inverse se produise. Une participation large des parties prenantes ainsi que des décisions fondées sur le consensus assureront que le processus soit juste et dans l’intérêt public. Ce sont les processus inclusifs qui sont plus susceptibles de contribuer à l’efficacité. L’évaluation régionale et stratégique proposée résoudrait les différends et permettrait d’adopter de meilleures pratiques dès le début. Elle réduirait de manière significative le nombre de litiges ex post facto si courants au Canada.

La plus grande préoccupation de McLeod, toutefois, est que l’approche proposée par les experts signifie la fin des grands projets d’infrastructure énergétique au Canada. Un choix de politique d’une telle importance, dit-il, doit être fait de manière transparente.

Deux arguments (quoique évidents) méritent d’être rappelés : d’abord, l’énergie n’est pas synonyme de pétrole et de gaz. Deuxièmement, les recommandations du rapport, si elles sont adoptées, ne scellent pas d’avance le sort d’un projet ou d’un type de projet. Et il faut le souligner : le processus de prise de décision serait particulièrement transparent. En effet, l’accent mis sur la transparence répond directement aux préoccupations exprimées par les intervenants et le public tout au long des consultations faites à travers le pays.

Une étude récemment conduite par quelques-uns des auteurs de cet article démontre que seules deux des parties prenantes parmi le gouvernement et l’industrie se sont opposées à un processus plus transparent. Toutes les autres — les groupes autochtones, le public, les universitaires, les scientifiques et les ONG — soutiennent pratiquement à l’unanimité un processus décisionnel plus transparent. On doit alors reconnaître que les recommandations du comité représentent l’intérêt du public ; si elles sont adoptées, elles mettront en lumière la manière dont les décisions importantes sont prises.

Enfin, McLeod réclame que la conciliation des objectifs économiques, environnementaux et culturels soit faite à l’avance par des élus plutôt que par des régulateurs nommés. Toutefois, le processus proposé par le comité serait fondé sur la science et indépendant, transparent et rigoureux. Il tiendrait compte de multiples intérêts et éviterait des effets préjudiciables en matière d’économie, d’environnement et de culture. Les Canadiens ont droit à des évaluations environnementales qui font en sorte que les projets ne sont pas simplement moins néfastes, mais qu’ils contribuent nettement à la durabilité. Et si des compromis doivent être faits, il faut que les Canadiens puissent avoir confiance en le processus. Il est absolument nécessaire que les politiques soient fondées sur des faits, et non l’inverse.

McLeod semble présumer que le développement énergétique ne peut être fait de manière durable au Canada, mais cette question n’a pas encore été tranchée. Le Canada a l’occasion de devenir un chef de file en matière de durabilité en intégrant dans ses projets des considérations économiques, écologiques et culturelles. Les recommandations du comité d’experts sont un excellent pas dans cette direction, et elles méritent d’être célébrées, commentées et ultimement mises en œuvre dans de nouvelles lois innovantes qui feront la fierté des Canadiens.

Photo : Thousands of people march during a protest against the Kinder Morgan Trans Mountain Pipeline expansion, in Vancouver, B.C., on Saturday November 19, 2016. THE CANADIAN PRESS/Darryl Dyck


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Jason MacLean is an assistant professor at the University of Saskatchewan’s College of Law, specializing in environmental law, climate change and energy policy, and sustainability.
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Jocelyn Stacey est professeure adjointe à l’École de droit Peter A. Allard de l’Université de la Colombie-Britannique. Spécialisée en droit environnemental et administratif, elle a été assistante judiciaire auprès du juge Marshall Rothstein à la Cour suprême du Canada.
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Aerin Jacob is a conservation scientist at the Yellowstone to Yukon Conservation Initiative. She studies large landscape conservation across western North America.
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Caroline Fox est scientifique en conservation et écologiste spécialisée en zones côtières. Boursière postdoctorante Killam au Département d’océanographie à l’Université Dalhousie, sa recherche est axée sur l’écologie et la conservation des espèces côtières et des écosystèmes.
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Chris Tollefson est professeur de droit à l’Université de Victoria et directeur exécutif du Pacific Centre for Environmental Law and Litigation. Il a conseillé BC Nature et Nature Canada dans leurs évaluations environnementales des pipelines Northern Gateway et Kinder Morgan.
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Martin Olszynski est professeur adjoint à la Faculté de droit de l’Université de Calgary. Auparavant, il a été avocat au ministère fédéral de la Justice, et a pratiqué de 2007 à 2013 le droit de l’environnement et des ressources naturelles aux services juridiques de Pêches et Océans Canada.

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