Nous avons célébré le 18 novembre dernier les trente ans de l’entrée en vigueur de la Loi sur les services en français de l’Ontario. Cette loi a grandement changé la société franco-ontarienne, en particulier sa relation avec les organismes gouvernementaux. Elle a haussé l’estime de soi des francophones, qui s’affichent fièrement comme Franco-Ontariens aujourd’hui. La honte de parler français a disparu. Les personnes qui ont un nom francophone n’ont plus besoin de l’angliciser pour être acceptées dans la société ou être populaires.

Plusieurs proposent une refonte de la loi, et j’estime qu’elle est nécessaire. Toutefois, il faut aller au-delà de la relation traditionnelle entre les citoyens et les organismes gouvernementaux, et y inclure tout le droit linguistique privé. On devra notamment ajouter le critère de la langue française et anglaise comme motif de discrimination prescrit dans le Code des droits de la personne afin d’assurer l’égalité des langues ayant un statut officiel en Ontario. L’égalité linguistique doit aussi pouvoir se vivre au quotidien dans les rapports économiques et sociaux.  Elle est une étape cruciale de la reconnaissance juridique des langues française et anglaise en Ontario.

La reconnaissance des droits linguistiques privés concerne notamment la langue de travail, les services, les contrats et autres documents. Les francophones ont le droit de recevoir les documents et services en langue française dans les domaines prescrits comme les services des grandes institutions bancaires, les assurances et les régimes de pension. Ces demandes sont nouvelles pour plusieurs d’entre eux. Il était totalement impensable il y a trente ans d’exiger des services gouvernementaux en français.

La nouvelle réalité francophone demande aussi qu’on prévoie des mécanismes de résolution des différends. Les juristes ont leur place dans la protection des droits des francophones, mais le vrai combat est mené par les citoyens qui exigent des services en français, déposent des plaintes et demandent un suivi. Le problème le plus important est l’absence de mécanisme administratif obligeant les instances gouvernementales à prendre des actions correctives. Pour faire reconnaître les droits linguistiques, il n’y a pas d’autres moyens actuellement que le poids politique et la voie des tribunaux.

Il faut penser la refonte de la loi en fonction du citoyen. Il faut établir un mécanisme de règlement des différends incluant la médiation et l’arbitrage, à la suite d’une enquête indépendante et impartiale, pour obliger les parties à trouver une solution au conflit et éviter l’appel aux tribunaux. De nombreux francophones abandonnent leur combat en cours de route quand le recours juridique est l’unique moyen de faire reconnaître leurs droits linguistiques, car les procédures devant les tribunaux sont longues et coûteuses.

Nous devons avoir un rêve pour notre société francophone en Ontario et aller au-delà de la relation habituelle que nous entretenons avec les instances gouvernementales. Il faut revoir la Loi de 2001 sur les municipalités afin d’obliger ces dernières à fournir des services en français. Elles devraient exiger entre autres l’affichage bilingue dans des secteurs clés de la vie des citoyens, notamment dans les pharmacies, les hôpitaux et les guichets automatiques. Cette obligation législative contiendrait aussi des mesures de redressement et des sanctions dans les cas de non-respect des règlements. Les municipalités qui ne voudraient offrir des services bilingues pourraient avoir la possibilité d’y renoncer au moyen d’une clause dérogatoire, comme elle existe dans le cadre de la Charte canadienne des droits et libertés.

La Loi sur les services en français est un outil pour la communauté, et il faut qu’elle en prenne possession. Les francophones doivent reprendre le flambeau de la refonte de la loi, car elle sera la base des droits linguistiques qui seront un jour enchâssés dans la Constitution canadienne. Il faut prévoir dès maintenant les prochains combats et aller plus loin que l’obligation, pour les organismes gouvernementaux, de fournir des services en français. Les services du secteur privé doivent y être inclus, même si cela prendra du temps.

Notre avenir est entre nos mains, et nous devons nous impliquer tous afin que la nouvelle loi soit adaptée au citoyen dans son quotidien tant dans le secteur public que privé.

Photo : Yui / Shutterstock.com


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Gilles LeVasseur
Gilles LeVasseur est professeur de gestion et de droit à l’Université d’Ottawa. Il a travaillé auparavant, pendant plus de 25 ans, comme haut fonctionnaire au gouvernement du Canada dans les domaines du droit, de la santé et de la gouvernance. Ayant publié plusieurs ouvrages en gestion et en droit, il écrit régulièrement sur les politiques et pratiques gouvernementales.

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