Le gouvernement du Canada participait récemment à la Réunion des ministres de la Santé du G7 tenue au Japon dans le but de discuter des mesures concrètes à prendre pour faire progresser la santé mondiale. Parmi les nombreux sujets à l’ordre du jour figurait l’amélioration des résultats en matière d’accouchement, une source de grande préoccupation. En voici les raisons.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, chaque jour, 830 femmes partout dans le monde meurent en raison de complications liées à la grossesse et à l’accouchement. La vaste majorité de ces décès surviennent dans des pays africains et des pays à faible et à moyen revenu. La plupart pourraient être évités si les femmes avaient accès à des services de santé de qualité, ce qui rend ce chiffre d’autant plus tragique.

Que faire pour réduire le fossé et améliorer la santé maternelle dans le monde ? Bien des choses. Et le Canada a un grand rôle à jouer dans ce dossier.

Des mesures ont été prises par le passé pour définir le problème.

En 2000, les Nations unies et plus de 23 organismes internationaux ont adopté un accord connu sous le nom d’Objectifs du millénaire pour le développement, auquel le Canada a souscrit. Le programme vise à relever des défis humanitaires de taille : éliminer l’extrême pauvreté, réduire la mortalité infantile et promouvoir l’égalité des sexes. Son cinquième objectif concerne l’amélioration de la santé maternelle en permettant aux femmes enceintes d’avoir un meilleur accès aux services de santé.

En 2010, le Canada pilotait l’Initiative de Muskoka, un investissement de 7,3 milliards de dollars consenti par les pays du G8 dans un effort conjugué visant à réduire la mortalité maternelle, néonatale et infantile dans le monde. Le Canada y a investi à lui seul 1,1 milliard de dollars pour soutenir les pays à faible revenu qui aspirent à améliorer la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. Le Canada s’est également engagé à financer une vingtaine de projets de recherche pilotés par des équipes composées de chercheurs canadiens, et de chercheurs et décideurs africains, qui se sont donné pour but d’améliorer l’accessibilité et la qualité des soins prodigués aux femmes enceintes et aux enfants.

S’attaquer au problème du manque de respect et des mauvais traitements

Un grand nombre des programmes voués au problème de la mortalité maternelle se concentrent uniquement sur les lacunes en matière d’accès : le manque d’établissements ou d’intervenants de santé, par exemple, ou les problèmes d’accès. Or les chercheurs ont découvert qu’une condition essentielle à l’amélioration de la santé maternelle réside dans la qualité des soins qui sont dispensés aux femmes.

Le Canada pourrait faire une énorme différence en santé maternelle s’il collaborait avec d’autres pays et des organismes à but non lucratif pour s’attaquer au problème du manque de respect à l’égard des femmes et les mauvais traitements qu’elles subissent dans les établissements de santé.

Dans une méta-analyse sur les obstacles qui empêchent les femmes enceintes de consulter dans les pays à faible et à moyen revenu, on s’est rendu compte que la prestation des soins dans les établissements de santé était souvent accompagnée d’actes d’agression physique et verbale, et se caractérisait par l’absence de consentement, la discrimination, la négligence, la violation de l’intimité et même la rétention des patientes contre leur gré.

Les pratiques de ce genre dans les établissements de santé peuvent nuire considérablement à l’efficacité des interventions destinées à améliorer la santé maternelle.

L’étude démontre que les hôpitaux sont perçus par les femmes comme des établissements où l’on pratique un trop grand nombre d’actes invasifs, comme des examens vaginaux inutiles, où l’on se montre insensible au respect de l’intimité et où l’on prive les femmes de tout pouvoir de décision pendant l’accouchement.

Un grand nombre de répondantes se sont plaintes du manque de prestataires de soins bienveillants pendant l’accouchement ; certaines ont indiqué avoir attendu longtemps avant d’être soignées et d’autres avoir redouté de passer sous le bistouri (pour une épisiotomie ou une césarienne). D’autres encore ont décrit les intervenants de santé comme des personnes qui font usage de violence verbale, manquent de compassion et peuvent même agresser physiquement une femme pendant l’accouchement. Des femmes enceintes ont craint qu’on les oblige à subir un test de dépistage du VIH ou que l’on divulgue leur séropositivité. Enfin, d’autres ont eu peur d’être stigmatisées parce qu’elles ne sont pas mariées.

L’adoption de politiques destinées à contrer les mauvais traitements et la négligence dans les établissements de santé et à protéger les droits des femmes pourrait contribuer à atténuer le sentiment de méfiance et les comportements d’évitement, tout en améliorant la santé maternelle.

On assiste partout dans le monde à l’émergence de mouvements populaires et professionnels visant à promouvoir l’accouchement fondé sur le respect et la dignité. C’est le cas de la White Ribbon Alliance. Elle rassemble des individus, des ONG, des associations professionnelles, des organismes gouvernementaux, des jeunes, des leaders communautaires, des universitaires et des organisations de donateurs, qui partagent tous un même objectif : défendre le droit de toutes les femmes d’accoucher en sécurité.

Comme citoyens et citoyennes du monde résolus à améliorer la santé infantile et maternelle dans tous les pays, nous devrions orienter nos politiques, nos formations et nos subventions de façon à nous attaquer au problème du manque de respect et des mauvais traitements dans les établissements de santé partout, et notamment dans les pays à faible et à moyen revenu.

Le Canada pourrait multiplier les interventions en ce sens, insister sur la nécessité de mieux former les étudiants en santé mondiale et les experts des ONG, et sensibiliser les décideurs et les professionnels de la santé œuvrant dans le secteur. De plus, les recherches en matière de politiques fondées sur des données probantes contribueraient grandement à améliorer les résultats en matière de santé maternelle.

En d’autres termes, le Canada devrait être plus actif au sein des réseaux qui revendiquent le droit des femmes d’accoucher dans le respect et la dignité ; il contribuerait par le fait même à sauver des vies.

Bien entendu, il faudrait aussi que le Canada collabore avec les médecins, les scientifiques et les décideurs sur place afin que leurs actions reposent sur les données les plus fiables et tiennent compte des spécificités culturelles afin d’éviter de reproduire les erreurs du colonialisme. Enfin, ce travail doit s’inscrire dans une optique plus large, soit la volonté de faire tomber d’autres obstacles qui bloquent l’accès aux soins, comme les moyens financiers, le transport et l’éducation sanitaire.

Le gouvernement Trudeau a dit vouloir faire en sorte que le Canada assume un rôle de chef de file en matière de santé mondiale, notamment en ce qui concerne la santé infantile et maternelle. Un bon point de départ serait de commencer par éliminer les obstacles associés aux soins de santé qui se posent pour les femmes, dont le manque de respect et les mauvais traitements.

Photo : Travel Stock / Shutterstock.com

Cet article fait partie du dossier L’aide internationale.

 


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Loubna Belaid
Loubna Belaid est chercheuse postdoctorale au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal et à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la santé maternelle et reproductive dans les pays à moyen et à faible revenu. Elle participe à des projets de santé publique axés sur ces thématiques en Afrique et au Maroc.
Valery Ridde
Valery Ridde est professeur agrégé en santé publique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (Département de médecine sociale et préventive) et chercheur à l’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal. Ses intérêts de recherche couvrent l’évaluation des programmes de santé publique dans un contexte de santé mondiale, les soins de santé et les interventions communautaires. Il est titulaire d’une chaire de recherche en santé publique appliquée des Instituts de recherche en santé du Canada.

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