Le budget 2018-2019 du Québec, présenté par le gouvernement libéral, ouvrait les vannes des dépenses publiques, après des années de croissance très faible en début de mandat. Ces hausses des dépenses étaient rendues possibles par une croissance économique beaucoup plus vigoureuse en 2017 et en 2018 que ce que laissaient présager les facteurs de long terme comme le vieillissement de la population. Comme l’indiquait le rapport préélectoral, on revient dans les années subséquentes du cadre budgétaire sur cinq ans à des niveaux de dépenses plus modérés et même inférieurs, dans certains cas, aux coûts estimés de reconduction des programmes, qui sont importants en raison de la croissance des besoins et des coûts salariaux. Le premier budget du nouveau gouvernement québécois donne également une impulsion aux dépenses, mais, comme le budget libéral de 2018-2019, il réaligne la croissance des dépenses à celle des revenus pour les années subséquentes. Les prévisions économiques du ministère des Finances n’ont pratiquement pas changé depuis le budget de mars 2018 : les taux de croissance réelle au-delà de 2 % sont considérés bien davantage comme l’exception que comme la norme.

Le budget du Québec 2019-2020 affecte à l’année 2018-2019 de nombreuses dépenses ponctuelles, ce qui n’empêche pas le surplus prévu pour l’année financière qui prend fin de s’élever à 2,5 milliards de dollars, après un versement de près de 3,1 milliards au Fonds des générations. Pour les années suivantes, on prévoit atteindre l’équilibre budgétaire, voire dégager de petits surplus à partir de 2022-2023.

Tel qu’annoncé en campagne électorale, 10 milliards de dollars sont retirés du Fonds des générations sur deux ans pour rembourser tout de suite une partie de la dette. Mais les versements au Fonds se poursuivront comme prévu au cours des prochaines années. Qui plus est, le gouvernement est en voie d’atteindre plus rapidement les objectifs de réduction de la dette inscrits dans la loi ayant créé le Fonds. Il faut également noter que les surplus budgétaires ont permis d’établir, au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire, une réserve de stabilisation totalisant 9,7 milliards de dollars au terme de l’exercice 2018-2019.

Des engagements mis en place progressivement

Comme pour tout nouveau gouvernement, réaliser les promesses faites en campagne électorale sont les priorités. Pour chaque promesse à caractère fiscal, qu’il s’agisse de la fin de la contribution additionnelle pour les services de garde, de la bonification de l’Allocation famille ou de l’uniformisation du taux de la taxe foncière scolaire, le gouvernement prévoit une mise en œuvre progressive à l’intérieur de son mandat de quatre ans. Il semble que ce sera le cas.

La contribution additionnelle pour les services de garde sera éliminée sur l’horizon de quatre ans : elle s’appliquera aux ménages gagnant moins de 78 320 dollars en 2019, moins de 108 530 dollars en 2020, moins de 140 065 dollars en 2021, puis à tous les ménages en 2022. Ce retour à un tarif unique n’est pas sans rappeler l’abolition de la contribution santé qui s’est échelonnée sur l’ensemble du mandat du précédent gouvernement et qui semble montrer l’aversion des Québécois pour les contributions fiscales spécifiques.

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Une autre promesse phare concernait l’uniformisation de l’Allocation famille versée pour un deuxième ou un troisième enfant avec celle offerte pour le premier. Dès la présentation du point sur la situation économique de décembre 2018, des sommes étaient dégagées pour majorer de 500 dollars l’Allocation famille pour le deuxième et le troisième enfant. Cependant, si le budget de mars 2019 réitère l’engagement du gouvernement en ce sens, il n’indique pas la manière dont la promesse sera mise en œuvre d’ici la fin du mandat.

De façon analogue, bien que le projet de loi sur la mise en place d’un taux de taxe scolaire unique soit en voie d’être adopté, qu’il dicte le taux minimum à atteindre et que le budget indique que le taux unique sera applicable à l’ensemble du Québec en 2021, le budget ne prévoit qu’une fraction des sommes requises pour réaliser cette promesse, qui est évaluée à terme à 800 millions de dollars annuellement.

Cette situation peut sembler paradoxale alors que les médias font état de surplus très importants, mais elle s’explique principalement par deux facteurs. Certes, les surplus budgétaires sont considérables pour 2018-2019, mais, malgré tout, le cadre financier quinquennal indique une importante réduction de la croissance sur l’horizon de cinq ans. Ce ralentissement n’est pas lié au fait que l’on s’attend à une récession à court terme, il est dû aux effets du vieillissement de la population québécoise. Le deuxième élément explicatif prend sa source dans la volonté de rendre la fiscalité des sociétés québécoises plus concurrentielle en regard des baisses d’impôts des sociétés américaines. En effet, tant le gouvernement fédéral que le gouvernement québécois ont mis en place des incitatifs fiscaux favorisant l’investissement des entreprises, mais réduisant les recettes fiscales. Même si l’initiative semble louable, elle amoindrit la marge de manœuvre budgétaire pour financer les autres engagements.

Quelques mesures fiscales qui retiennent l’attention

Le budget du Québec prévoit deux mesures concernant l’incitation au travail des travailleurs d’expérience. Le gouvernement cible l’écart entre le taux d’emploi des travailleurs d’expérience du Québec et de l’Ontario. On constate en effet qu’en 2018 le taux d’emploi au Québec des personnes de 60 à 64 ans est de 49 %, comparativement à 55 % en Ontario. Dans le cas des personnes de 65 à 69 ans, il est de 20 % contre 26 %. Si le Québec pouvait atteindre les mêmes taux que l’Ontario pour ces deux catégories de travailleurs, cela représenterait environ 66 000 travailleurs de plus sur le marché de l’emploi. À cet égard, le gouvernement adopte des outils qui touchent à la fois les employeurs et les travailleurs pour tenter de résorber ces écarts.

Comme première mesure, il bonifie le crédit d’impôt pour les travailleurs d’expérience et le renomme « crédit pour la prolongation de carrière ». Comme le précédent, il s’agit d’un crédit non remboursable. Pour l’année 2019, le crédit sera offert dès 60 ans et son montant sera augmenté à 10 000 dollars pour les bénéficiaires de moins de 65 ans, alors que le montant demeurera à 11 000 dollars pour les personnes de 65 ans et plus. Au-delà des premiers 5 000 dollars de revenu de travail, chaque dollar est admissible jusqu’au maximum, ce qui a pour effet d’éliminer l’impôt du Québec sur une partie du revenu de travail afin d’inciter les travailleurs d’expérience à demeurer ou à retourner sur le marché du travail. Le crédit a un effet semblable au montant personnel de base, en permettant d’effacer une portion des revenus de travail imposables au taux le plus bas du barème d’imposition. Le crédit est réduit à partir d’un revenu de travail de 34 610 dollars et devient nul si le revenu de travail s’élève à 64 610 dollars pour une personne de 60 à 64 ans (et s’il atteint 67 610 dollars pour les personnes de 65 ans et plus).

En parallèle à cette mesure, le gouvernement instaure, à compter de 2019, un crédit pour les petites et moyennes entreprises (PME) favorisant le maintien en emploi des travailleurs d’expérience. En gros, ce crédit d’impôt remboursable est destiné aux PME embauchant des travailleurs de 60 ans et plus. Il offre une réduction des charges à payer sur la masse salariale de ces travailleurs d’expérience. Cette réduction est de 50 % pour les travailleurs de 60 à 64 ans et atteint 75 % pour les travailleurs de 65 ans et plus. Elle s’applique aux cotisations de l’employeur au Fonds des services de santé, au Régime de rentes du Québec, au Régime québécois d’assurance parentale et à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail. Elle est plafonnée à 1 250 dollars par an par travailleur de 60 à 64 ans et à 1 875 dollars par travailleur de 65 ans et plus. En plafonnant la valeur par employé, ce crédit aura donc, proportionnellement, un effet plus important pour les PME qui emploient des travailleurs à revenu modeste et moyen.

En conclusion, même si les commentateurs politiques font surtout état de surplus très importants et d’une bonne performance économique, le contexte générationnel du Québec limite grandement la marge de manœuvre du ministre des Finances. Déjà, on remarque que les répercussions du vieillissement de la population québécoise se font sentir, à la fois sur le financement du panier de services publics et sur la croissance économique, de laquelle dépend l’accroissement des revenus de l’État.

Photo : Le premier ministre François Legault et le ministre des Finances Éric Girard à la présentation du budget à Québec, le 21 mars 2019. La Presse canadienne / Jacques Boissinot.


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