Beaucoup d’entre nous ont des parents et des amis âgés vivant dans des établissements de soins et sont préoccupés par leur bien-être et les services qu’ils reçoivent. Mais qui se soucie des préposées aux bénéficiaires (qui sont majoritairement des femmes) qui font une grande partie du travail dans ces établissements ? On fait presque abstraction de leur bien-être dans notre système de santé. Pourtant leur santé a des conséquences importantes pour la qualité des soins qu’elles fournissent.

Les préposé(e)s aux bénéficiaires, qu’on appelle aussi aides-soignantes ou aides-soignants, aides-infirmières ou aides-infirmiers, constituent la plus importante main-d’œuvre dans les résidences pour personnes âgées au Canada. Les recherches montrent qu’entre 75 et 90 % des soins directs aux résidents sont fournis par ces personnes, notamment une assistance physique, comme l’aide aux repas, à la toilette et à l’habillage, mais aussi une présence et un accompagnement social. Leur rôle est essentiel à la qualité des soins et à la qualité de vie des résidents de ces établissements.

Pourtant, jusqu’à tout récemment, on savait peu sur ces personnes. Et souvent, lorsqu’on s’intéresse au personnel soignant, on les met dans le même groupe que les infirmières autorisées, bien que leurs fonctions soient distinctes, tout autant que leur formation, leurs origines sociales et ethniques, et leur position dans l’échelle des catégories d’emplois.

Lorsqu’on se penche sur la contribution et la santé des préposé(e)s aux bénéficiaires, on découvre que l’épuisement professionnel de cette catégorie de travailleuses et travailleurs au Canada est endémique.

En collaboration avec nos collègues du programme national de recherche appliquée Translating Research in Elder Care (TREC), nous avons récemment publié une étude dans l’Internationl Journal of Nursing Studies, menée auprès d’environ 1 200 préposé(e)s de 30 établissements de soins différents dans trois provinces de l’Ouest canadien. Nous avons constaté que ces personnes, malgré leur grande confiance en leurs capacités professionnelles et en l’utilité de leur travail, couraient un risque élevé d’épuisement.

L’épuisement professionnel est une condition psychologique résultant d’un stress lié au travail, qui peut se manifester par un épuisement émotionnel, tel qu’un manque de réponse émotive ou un manque d’énergie physique, et aussi par une attitude négative et détachée, et l’absence d’un sentiment d’accomplissement au travail. Selon la recherche, les personnes souffrant d’épuisement affirment fournir des soins de moindre qualité.

Dans notre étude, nous avons constaté que les préposé(e)s travaillent de manière efficace, parfois dans des conditions difficiles, et ont un fort sentiment d’accomplir un travail essentiel. Mais le risque d’épuisement est élevé.

Plus de 60 % des résidents des établissements de soins où travaillent les préposé(e)s souffrent de troubles liés à la démence, et ont besoin de soins complexes et exigeants. L’étude a montré que les préposé(e)s, durant leurs cinq derniers quarts de travail, ont fourni des soins à trois patients en moyenne ayant des troubles liés à la démence.

De plus, il faut tenir compte du manque fréquent de personnel, des possibilités de formation continue et de perfectionnement limitées ou inexistantes et de la quasi-absence de prise de décision concernant les résidents dont ces personnes s’occupent. Il n’est guère surprenant alors que le risque d’épuisement soit élevé.

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Et les conséquences de cet épuisement professionnel sont importantes et coûteuses. Si le personnel de soins n’est pas lui-même en bonne santé, la qualité des soins fournis aux patients en souffre. L’épuisement des préposé(e)s peut également entraîner une insatisfaction au travail, affecter leur productivité et donner lieu à un roulement élevé, à une faible rétention du personnel et à un taux élevé d’absentéisme.

Mais des solutions existent. Selon notre étude et en tenant compte des recherches menées dans les établissements de soins sur une période de plus de 10 ans, nous avons formulé un certain nombre de recommandations visant à améliorer les conditions de travail de cette main-d’œuvre.

Tout d’abord, il faut instaurer des normes nationales en matière de programmes de formation et de perfectionnement des préposé(e)s. De plus en plus, pour offrir des soins de qualité, ces personnes doivent savoir traiter des cas complexes, comme la démence. Il faut qu’elles possèdent les compétences nécessaires et aient des occasions d’apprendre les meilleures pratiques.

Puis, nous devons améliorer la culture de travail dans les établissements pour contrer l’épuisement professionnel, en adoptant par exemple des stratégies qui permettent aux préposé(e)s de participer aux prises de décision concernant les résidents dont elles s’occupent.

Enfin, il faut des efforts coordonnés de la part des gouvernements pour suivre le bassin des préposé(e)s, notamment pour en connaître le nombre et leurs tendances migratoires au Canada. Nous avons également besoin de registres provinciaux obligatoires les répertoriant.

Nous devons donc revoir la réglementation concernant cette main-d’œuvre indispensable, compte tenu notamment de la fragilité et de la vulnérabilité des Canadiens âgés qui sont à leur charge. Car s’occuper des personnes qui donnent des soins, c’est s’occuper des personnes qui les reçoivent.

Photo : Shutterstock / Tyler Olson


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Carole A. Estabrooks
Carole A. Estabrooks is scientific director of the pan-Canadian Translating Research in Elder Care (TREC) program and professor and Canada Research Chair in the Faculty of Nursing at the University of Alberta.
Stephanie A. Chamberlain
Stephanie Chamberlain est candidate au doctorat à l’Université de l’Alberta, titulaire d’une bourse de la Société Alzheimer du Canada et d’une bourse Rivera. À partir du 1er juin, elle sera boursière postdoctorale de la Société Alzheimer au sein du même établissement et à l’ICES.

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